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PAYS-BAS : UNE CRISE DU LOGEMENT QUI N'EN FINIT PAS DE DURER

Marie Hérault

Aux Pays-Bas, les prix flambent et s'affichent parmi les plus chers d'Europe. Conséquence : un marché très tendu, entre investisseurs souhaitant mettre en location, nouveaux acquéreurs en quête d'une résidence principale et manque criant de logements faute de nouveaux projets. Face à cela, diverses mesures gouvernementales et locales ont été prises pour favoriser l'accession aux résidents principaux au détriment des investisseurs. L'extrême droite, arrivée en tête des dernières élections législatives, entend quant à elle durcir ces mesures au profit des seuls Néerlandais. Photographie d'un pays en quête de solutions immobilières.

Dynamiques, dotés d'une économie solide, d'infrastructures de pointe et d'une qualité de vie réputée, les Pays-Bas ont tout pour attirer les investisseurs et expatriés du monde entier. La preuve, selon l'OCDE, le pays a atteint un niveau record de 40,8 milliards d'USD au premier semestre 2022, contre un flux négatif de 16 milliards d'USD enregistré au cours de la même période un an plus tôt. Un sujet fait pourtant tache dans ce tableau idyllique : le logement, côté transaction comme côté location. Depuis une décennie, le pays traverse en effet une crise du logement sans précédent avec des prix en perpétuelle augmentation, en particulier dans les grandes villes. En mars 2023, le quotidien britannique The Guardian titrait ainsi « Les Néerlandais ont une brique dans l'estomac » : « Le logement moyen aux Pays-Bas coûte à présent 424 681 euros, soit plus de 10 fois le revenu médian. Entre 2015 et 2021, le revenu disponible moyen des ménages a augmenté de 25 %, mais les prix de l'immobilier ont grimpé de 63 %, alimentés par des taux d'intérêt bas et une pénurie nationale de 390 000 logements. »
Selon Michèle van Velzen, juriste notariale spécialisée dans l'immobilier et dirigeante du cabinet Van Velzen juridisch advies dans la ville de La Haye, « la demande des logements dépasse l'offre. Ce n'est pas seulement une question de quantité, mais aussi d'accessibilité financière et de logements appropriés. Il faudrait par exemple répondre aux besoins des jeunes entrepreneurs et des familles qui veulent vivre en la ville. » Couplés à cette insuffisance de nouvelles constructions, les régimes avantageux accordés aux investisseurs et l'allégement fiscal sur les intérêts hypothécaires sont en outre accusés d'influencer le marché à la hausse en surenchérissant sur les prix.

Mesures restrictives contre les investisseurs

Pour tenter de remédier à cette crise, le gouvernement hollandais a introduit en janvier 2021 la suppression des droits de mutation pour les moins de 35 ans, contrebalancée par une hausse du taux acquitté par les investisseurs immobiliers (actuellement 10,4 % de la valeur du bien acheté), visant à décourager les investisseurs au profit des primo-accédants. Localement également, les municipalités peuvent décider d'appliquer des mesures restrictives à l'égard des investisseurs. Quant à savoir si celles-ci portent leurs fruits : « C'est encore difficile à dire, indique Michèle van Velzen. La ville d'Utrecht a récemment dit qu'il y a désormais plus de nouveaux primo-accédants et que la participation des investisseurs a diminué, mais cela n'a rien réglé sur le marché de la location dans une ville où le marché est le plus serré des Pays-Bas. »

Extrême droite et solutions « miracles »

Arrivé en tête des élections législatives en novembre dernier, le PVV (Partij voor de Vrijheid : Parti pour la liberté) - d'orientation nationaliste - a indiqué avoir les cartes en main pour sortir le pays de son ornière immobilière. Sur son programme, le parti propose par exemple la construction de 900 000 logements d'ici à 2030 avec notamment, la construction d'une « rue supplémentaire dans les villes et les villages ; cela pouvant être fait relativement rapidement et à moindre coût. » Ouvertement anti immigration et souhaitant sortir de l'Union européenne, le PVV affirme aussi vouloir redonner la priorité aux Néerlandais au détriment des étrangers, accusés de spolier leur droit au logement. En réponse, Balakrishnan Rajagopalle - rapporteur des Nations unies - a rappelé dernièrement que « la rumeur court qu'un afflux d'étrangers est la raison pour laquelle le pays est confronté à cette grave crise du logement. C'est un argument qui a été utilisé à des fins politiques, ne faisant que contribuer aux stéréotypes (...). Les statistiques ne montrent pas d'augmentation alarmante de l'afflux de demandeurs d'asile. Il s'agit autant d'une crise liée au faible nombre de logements disponibles que d'une crise liée au caractère inabordable du logement, notamment des limites trop élevées des loyers et une mauvaise réglementation des contrats de loyers. »

Climatoscepticisme

Également climatosceptique, le parti de Geert Wilders, surnommé le Trump néerlandais, entend passer outre la réglementation environnementale encadrant les bâtiments : « supprimez toutes les règles obstructives, à commencer par les règles sur l'azote, arrêtez de rendre les maisons sans gaz, pas de thermopompe obligatoire. »
Marie Hérault

Marie Hérault

Quant à savoir si ces mesures sont réalistes : « Je ne pense pas, déclare Michèle van Velzen. C'est de la rhétorique. Ils ne sont pas seuls au pouvoir et devront faire avec les autres partis (NDLR : L'alliance gauche et écologiste est arrivée deuxième et le parti de centre droit, troisième). Quant à supprimer la réglementation environnementale, cela me paraît peu réaliste, les Pays-Bas pouvant être un pionnier en matière de développement durable. Par ailleurs, il faut avancer, en Europe et dans le monde. L'économie ouverte est à peu près la raison d'être des Pays-Bas. Il n'y aura pas un Nexit. Il y aura donc de nombreux débats dans les mois à venir... La crise du logement n'est pas terminée. »

Photo | Marie Hérault

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