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POINT DE VUE

La maison individuelle va-t-elle disparaître du paysage français ?

Henry Buzy-Cazaux Président fondateur de l'institut du management des services immobiliers Membre du Conseil National de l'Habitat (CNH) Président de Partage+ ©DR

C'est un séisme, rien moins qu'un séisme français. Pour la première fois de l'histoire de notre pays, l'aide vedette à la primo-accession à la propriété exclut toute acquisition de maison individuelle neuve ou ancienne avec travaux.

À partir du 1er janvier prochain, il sera impossible à un ménage désireux de faire construire sa maison ou d'acquérir une maison existante pour la réhabiliter de bénéficier d'un prêt à taux zéro. Le préjudice est plus important qu'il paraît : il ne s'agit pas de la privation d'une aide qui eût facilité les opérations d'achat, mais bel et bien de la suppression du levier qui conditionnait les acquisitions.

Pour le dire autrement, pour la plupart des ménages, accéder une première fois à la propriété en achetant une maison individuelle, qui constitue le rêve des trois-quarts des Français, est rendu impossible par l'État. En effet, sans cette partie de l'endettement à taux nul -en fait compensé par l'État auprès des banques-, les mensualités pesant sur un ménage est insupportable et dépasse sa capacité d'endettement. On considère qu'en moyenne le PTZ fait chuter de trois points le taux d'effort global de l'emprunteur, et par conséquent lui donne accès à la faisabilité financière de l'opération.

Seuls pourront acheter leur maison parmi les jeunes couples et les familles en cours de constitution, dont les revenus sont faibles ou intermédiaires parce qu'ils sont en début de carrière, ceux qui ont un apport personnel donné par des parents ou une épargne. La France de la primo-accession va se couper en deux, et dans le second lot les élus ne seront pas nombreux. Inévitablement, le recentrage du PTZ que le logement collectif en zones tendues, les plus chères, va étioler la propriété en France. En outre, le mal est fait : les banques ne distribuent déjà plus le PTZ 2023. Elles prennent en compte le temps de montage des dossiers, administrativement complexes pour elles, et elles ferment le banc au plus tard à la fin du mois d'octobre et même plutôt la troisième semaine de ce même mois.

Si l'on regarde le sort des professionnels de la maison individuelle, cela signifie que leur carnet de commande ne va plus se remplir à partir de cette échéance. Ils vont devoir se réinventer, en réinventant le produit phare qui a façonné l'habitat de notre pays : sur près de 38 millions de logements en France, on compte 18 millions de maisons individuelles. Quel avenir pour la maison ?
Quel avenir pour celles et ceux qui la fabriquent, souvent depuis des générations, dans nos territoires ?
La question est cruciale. Elle parle du destin d'une nation et de sa satisfaction, de son bonheur peut-être même. On mesure sans peine ce qu'il adviendra quand les ménages, qui ne suivent pas forcément la saga du vote de la loi de finances pour l'exercice qui suit, auront compris qu'on les détourne de leur idéal, qui plus est sans alternative : acheter un appartement dans une métropole n'est pas le destin des Français qui veulent une maison dans une commune suburbaine ou urbaine.
À la clé de cette déception collective, il faut redouter des tensions sociales ; celles-là même qui amorcent la fameuse bombe sociale.

Plusieurs voies. On ne peut d'abord exclure que le gouvernement, et il le peut à tout moment en cours d'examen du projet de budget avant son vote définitif à la fin de l'année, réintègrer la maison individuelle. Une proposition : puisque la peur des pouvoirs publics a trait à l'excessive consommation de terrains par ce type d'habitat, une contrainte de sobriété foncière, par exemple à 200 m² d'emprise maximum, pourrait être imposée pour être éligible au PTZ, voire le recours à davantage de matériaux biosourcés ou à des procédés constructifs plus écologiques. On observera d'ailleurs que l'essentiel de la production depuis les années récentes répond de fait à ce cahier des charges.

Quant à la consommation foncière notamment, ce que les professionnels n'ont pas assez clamé, les terrains choisis par les clients sont dix fois moins grands qu'il y a vingt ans !

Photo | Henry Buzy-Cazaux Président fondateur de l'institut du management des services immobiliers Membre du Conseil National de l'Habitat (CNH) Président de Partage+ ©DR

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#Ptz

#Bombe sociale

#Pouvoir public

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