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TRIBUNE / A L'AFFICHE

Simplification du paysage syndical : l'autre urgence pour ne pas mourir

La situation sanitaire de notre pays nous met sous les yeux, en permanence, le spectacle d'un corps médical qui mérite bien son nom. Il est soudé, comme un seul homme. Les chapelles s'estompent, alors même qu'on les sait très fortes dans l'univers scientifique.

On voit des chercheurs travailler ensemble, des hôpitaux échanger leurs solutions, mettre en commun leurs moyens, collaborer, sans considération des frontières mêmes. Le clivage entre privé et public, si vivace en temps ordinaire, s'aplanit quand il s'agit de sauver des vies par milliers et que l'idéologie paraît bien dérisoire. Plus de différences entre hôpitaux et cliniques. Et dans chaque service, dans chaque établissement, qu'on ne s'y trompe pas : il y a des animosités et des préférences, des détestations et des dilections, des bassesses : un médecin, un chirurgien, une infirmière, une anesthésiste ne sont pas immunisés contre ces maux de l'âme. Sauf que dans ces métiers, qui s'occupent d'enjeux supérieurs, on fait taire tout cela quand il le faut. Comme dans l'armée quand le péril est aux portes du pays.

Et dans l'immobilier ? Le moment de sceller l'entente au plus haut degré, celui de la fusion, n'est-il pas venu ? Car après l'urgence sanitaire, ou plutôt en même temps -tout porte à croire qu'elle va rester d'actualité pendant de longs mois-, l'urgence économique va exiger de la filière du logement une efficacité sans failles pour éviter le naufrage. Deux objectifs : le soutien aux entreprises immobilières, dont beaucoup vont souffrir parce que le marché et les ménages vont souffrir, et le travail avec les pouvoirs publics pour mettre en oeuvre un plan de relance qui sauve l'économie du secteur et porte le redressement de la croissance du pays. Dans ce contexte historique, on a le droit d'avoir un idéal. Est-il même fou de penser qu'il se réalise ?

Trois syndicats pour représenter les activités de transaction et de gestion. Deux d'entre eux, la FNAIM et l'UNIS, ont engagé un processus de rapprochement il y a plus de dix-huit mois ? Pourquoi la terrible période actuelle ne catalyserait-elle pas ce mouvement ? Faut-il encore ne parler que de rapprochement quand il faut gagner en force de frappe et en rationalisation de moyens, aussi pour proposer dans ces temps de vaches maigres des cotisations ajustées à la capacité contributive moindre des agences et des cabinets ? Pourquoi avoir peur des mots ? C'est d'une fusion que le secteur a besoin. D'une simplification du paysage syndical. Quant au gouvernement, n'a-t-il aujourd'hui autre chose à faire que de devoir faire la synthèse des demandes et des avis ? Le secteur donne-t-il l'image de la maturité et de la responsabilité ? Quant au troisième, attaché à son identité comme les deux autres, il représente une fraction importante des agences immobilières indépendantes et additionner son poids aux deux autres garantiraient un crédit nettement majoré à l'aval de la filière immobilière, vis-à-vis des professionnels adhérents et prospects et vis-à-vis des décideurs publics. On pourrait même imaginer, dans un élan d'enthousiasme, que l'association Plurience, qui rassemble les majors de la filière, se fonde dans le syndicat unique qui verrait le jour.

Dans les moments comme ceux que nous vivons, de vérité et de vie, nous serions coupables de ne pas faire primer l'objectif sur tout le reste et de faire passer les habitudes ou les égoïsmes ou les cultures identitaires avant l'intérêt général d'un secteur majeur. Au gouvernement, aux soignants, le pardonnerait-on ? Est-il normal qu'un guide des bonnes pratiques sanitaire de déconfinement ne soit pas un chantier commun aux trois familles ? On s'achemine vers deux documents... Tiens, et puisqu'on se dit tout, n'est-ce pas le moment d'abaisser les ponts-levis des citadelles et d'être oecuméniques ? Les débats sans fins sur la légitimité professionnelle des réseaux d'agents commerciaux indépendants sont-ils encore de saison ? Pourquoi un seul des trois syndicats les reconnaît-il officiellement ?

Un autre sujet a été justement soulevé par le président du SNPI, la mise en commun des données relatives aux transactions en France, non seulement d'ailleurs entre organisations professionnelles des activités encadrées par la loi Hoguet, mais associant tous les intervenants de la chaîne, les notaires notamment ou les banquiers. Au lieu de cela, les observatoires s'acharnent à rester pluriels. On ne voudrait pas être à la place du ministre de la ville et du logement, qui a besoin d'y voir clair sur le secteur et son avenir pour mieux écrire sa prescription et sauver le patient, et qui a un large choix d'indicateurs sans coordination à sa disposition... Là encore, un seul syndicat catalyserait le mouvement de consolidation des données et des outils de connaissance du marché et des activités: la dispersion est préjudiciable à l'éclairage de la décision publique comme des stratégies d'entreprise.

Bref, comme le dira bientôt James Bond dans son vingt-cinquième opus, « Mourir peut attendre ». Il est temps de donner à l'immobilier les moyens les plus puissants pour se battre contre l'adversité. L'histoire ne pardonnerait pas à ceux qui ont en mains son destin de n'avoir pas tout tenté pour renforcer la représentation syndicale en la simplifiant.

Henry Buzy-Cazaux, président de l'Institut du Management des Services Immobiliers, président du think tank « République et logement » - 06 16 02 68 45

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